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Notre-Dame des Victoires

Eglise Notre-Dame des Victoires à Bastia

Présentation

Le centre paroissial Notre-Dame-des-Victoires est achevé en 1969. Moins de quarante années sont-elles suffisantes pour qualifier cette architecture de patrimoine ?

Bien que l’architecture du XXe siècle soit désormais entrée dans le champ de la protection au titre des monuments historiques, cet édifice, œuvre architecturale singulière au sein d’un quartier urbanisé dans les années soixante, suscite encore des  regards condescendants qui trahissent une opinion, souvent répandue et peu justifiée, sur cette période.

La prise en compte des réalisations architecturales du XXe siècle dans la politique de protection menée par le ministère de la Culture est relativement récente et souffre d’un déficit d’opinion. De plus, la connaissance encore imparfaite des conditions des commandes et des chantiers rend difficile l’établissement de critères pertinents pour sélectionner et identifier les œuvres représentatives au sein de l’immensité de la production architecturale du XXe siècle.  Le regard sur le patrimoine du XXe siècle a d’abord été un regard meurtri par les événements douloureux des guerres mondiales. Ainsi, ce sont les champs de bataille qui ont été les premiers éléments de cette période à être protégés au titre des monuments historiques.  C’est sous l’impulsion d’André Malraux qu’en 1961, une première liste d’édifices à protéger est élaborée, avec pour critère, la représentativité des architectes et des styles – d’où la sélection d’édifices d’architectes vedettes, dont la disparition concorde pratiquement avec la protection de leurs bâtiments. Le plus connu, la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp, réalisée par Le Corbusier, sera ainsi classée en 1967, soit douze ans seulement après son achèvement.  Sous le ministère de Michel Guy, de 1974 à 1975, une seconde vague de protection prend notamment en compte l’architecture religieuse construite durant l’entre-deux guerres. A partir des années quatre-vingt, de vastes campagnes thématiques de protection engendrent une augmentation sensible du nombre de monuments historiques du XXe siècle. Toutefois, si l’on en compte aujourd’hui 1622, ils ne représentent à peine que 3,5% de la totalité des édifices protégés.

Dans ce contexte de déficit relatif de protection, la seconde moitié du XXe siècle est particulièrement sous-représentée. Cependant, les édifices religieux appartiennent à une catégorie mieux considérée. Ils ont en effet joué dans l’imaginaire architectural la fonction d’un invariant historique permettant, au delà des singularités propres à chaque époque, d’unir la construction à l’intemporalité. Lieu de rassemblement, de symbole, l’église a cette force de la visibilité et cette puissance du monument qui lient identité, permanence et tradition. Les architectes déploient tout leur art et l’architecture touche au sacré. C’est pourquoi on peut avancer l’idée que le projet du centre paroissial Notre-Dame-des Victoires a été une étape essentielle dans la carrière de Louis de Casabianca et de Louis Cypriani, qui y ont concentré tous les éléments de leur créativité architecturale.

Le centre paroissial Notre-Dame-des-Victoires a été inscrit au titre des monuments historiques le 8 février 2008, suite à l’avis favorable du conseil des sites de Corse en formation « patrimoine ». Il est aujourd’hui le seul monument historique de la seconde moitié du XXe siècle en Corse.

Plan de l’Eglise
Notre-Dame des Victoires
Quartier Lupinu – Bastia


Diaporama


Bibliographie

Après des études secondaires au Lycée de Bastia, Louis de Casabianca entre à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et devient, en 1934, architecte diplômé par le gouvernement en obtenant la mention très bien. Trois ans plus tard, en 1937, il reçoit « la Médaille d’or » pour son projet de « Pavillon de la Corse » à l’Exposition internationale de Paris. Attentif aux techniques de construction les plus modernes, dans l’esprit rationaliste des années trente, il travaille alors pour les services de la ville de Paris. De retour en Corse à l’époque de la guerre, il décide de s’installer définitivement sur l’île.

De 1941 à 1950, il est chargé de plusieurs missions en Corse par différents ministères. Pour le ministère de l’Education nationale, il cumule les fonctions d’architecte-conseiller technique, d’architecte en chef des Bâtiments civils et Palais nationaux et, à titre temporaire, d’architecte des Monuments historiques. Dans ce cadre, il est notamment amené à diriger l’étude d’un projet d’école-type pour le département de la Corse, à mener la reconstruction du palais de justice de Bastia, à concevoir le lycée et le musée ethnographique ou à réaliser une importante enquête sur l’architecture traditionnelle insulaire, qui enrichissait le fonds de l’ancien musée national des Arts et Traditions populaires.

Après la libération de la Corse, il dirige, pour le compte du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, la commission d’enquête relative aux immeubles sinistrés, et prend toutes les décisions relatives à l’urbanisme. Il est également désigné comme  urbaniste chargé de dresser le plan d’aménagement de la ville de Bastia. Enfin, de 1947 à 1950, il est nommé architecte en chef de la Reconstruction pour le département de la Corse.

A partir de 1950, il exerce en tant qu’architecte libéral, associé à Louis Cypriani, et réalise de nombreux projets sur l’ensemble du territoire de la Corse. De 1953 à 1958, il est notamment architecte-chef de groupe, pour la construction d’immeubles collectifs à Bastia. Il est également chargé du plan d’urbanisme de la lagune de Biguglia pour le compte de l’association syndicale de reconstruction et collabore avec Fernand Pouillon pour la reconstruction du vieux port de Bastia.

Il est  nommé chevalier de la Légion d’honneur en 1961 et continue à mener son activité d’architecte en parallèle avec une activité de peintre.